Il y a ces parfums, ces senteurs qui nous entourent et que l’on trouve dans notre vie courante qui nous offrent quotidiennement des sensations de plaisir et de bonheur. On se rassure par exemple avec des notes de muscs blancs, qu'on retrouve aussi bien dans des crèmes de soins que dans des gels douche, des lessives, ou même de déodorants. Accompagnées d’accents de fève tonka ou encore de lavande, elles nous apportent un sentiment de bien-être et de protection quand elles font corps avec les odeurs de la peau en nous enveloppant d'une invisible bulle parfumée rassurante.
Mais un nouveau goût pour les senteurs discrètes et respectueuses de la peau s’impose de plus en plus. On ne l'imagine pas, mais formuler une senteur pour un soin s'avère presque aussi compliqué que d'élaborer une eau de toilette. " Nous utilisons les mêmes matières nobles, mais dosées de façon extrêmement subtile ", explique Patricia Soyer, directeur international du métier parfums cosmétique chez L'Oréal. Pour des compositions raffinées les briefs sont confiés à plusieurs nez mis en concurrence, comme pour le lancement de grands jus de la parfumerie fine. On peut citer à cet égard L'Or Rouge d'Yves Saint Laurent, avec un travail à façon réalisé autour d'une infusion de fleur de safran, Absolue L'Extrait de Lancôme et son cœur de rose relevé d'une note thé ou encore Sublimage de Chanel, un accord poudré évoquant l'univers délicat de l'orchidée vanille.
Arnaud Aubert, enseignant-chercheur en analyse des émotions, ajoute que le goût pour telle ou telle senteur est aussi déterminé par de grandes fonctions vitales comme celle de se nourrir. Aux débuts de notre évolution, nous étions des "primates chasseurs-cueilleurs" qui vivaient de ce qu'ils pêchaient, chassaient et récupéraient dans les arbres. Voilà pourquoi, par exemple, nous aimons l'odeur des fruits dont les couleurs vives (rouge, jaune, orange...) sont synonymes de gaieté. C’est ainsi la mandarine que l’on retrouve dans California Dream de Louis Vuitton, la figue dans Phylosikos de Diptyque, la poire dans Petite Chérie d’Annick Goutal ou la cerise dans Lost Cherry de Tom Ford. Et aussi la groseille, l'orange, la framboise dans les gels douche Cueillettes Fruitées du Petit Marseillais par exemple.
Du bonheur dans le souvenir
Autre caractéristique des senteurs qui nous font du bien, leur lien avec le souvenir. Un mécanisme simple commun à toutes les époques et à toutes les civilisations : plus une senteur est familière, plus elle est appréciée. La raison ? La zone du cerveau (le système limbique) qui traite les odeurs est proche de celle qui stocke les souvenirs et de celle qui déclenche les émotions. Ce seront des senteurs gourmandes qui rappellent l'enfance, comme l'accord guimauve chez Reminiscence, ou encore la camomille avec un parfum qui porte bien son nom : Mémoire d’une odeur chez Gucci.
On peut aussi évoquer les senteurs qui sont ancrées dans notre patrimoine socioculturel : l'odeur de la Crème Nivea, celle de la Laque Elnett ou du Lait de Toilette Mustela. Et, tout aussi mythique, le parfum de la colle Cleopatra ! Caractéristique de notre culture française, il est un parfait exemple des odeurs qui appartiennent autant à la mémoire collective qu'à l'histoire intime de chaque écolier sniffant sa colle au fond de la classe !
Se souvenir plus longtemps
La mémoire olfactive n'est pas plus efficace que la mémoire à court terme générée par des sons ou des images. En revanche, ce qui la caractérise, c'est sa persistance dans le temps et sa puissance évocatrice. C'est ce qu'on appelle "le syndrome de Proust", en référence à la madeleine dans À la recherche du temps perdu. André Holley, professeur émérite à l'université Claude-Bernard de Lyon, détaille ce processus : "Notre acuité olfactive est moins puissante que celle de la vue ou de l'ouïe. Aussi, pour mémoriser une senteur, on utilisera d'une part nos émotions et d'autre part on conservera le contexte dans lequel cette odeur aura été sentie. Quand on la percevra plus tard, tout le cadre dans lequel on l'avait initialement connue ressurgira d'un bloc, émotions comprises." La conséquence de cela: on se souvient plus longtemps de ce que l'on a senti ...
Le boom de l’aromachologie
En lien direct avec le cerveau émotionnel, les odeurs jouent un rôle clé de plus en plus nécessaire dans une société en quête d’apaisement nous disait Mélanie Nauche en juin dernier dans Vogue.
Elles permettent d’augmenter la confiance en soi, de booster la concentration, d’amplifier l’état de relaxation et même d’améliorer la qualité du sommeil… D’où l’intérêt croissant pour l’aromachologie, une science qui a cristallisé l’attention pendant toute l’année 2021.
D’après Fabrice Lefevre, directeur Marketing et Innovation Active Beauty chez Givaudan : « La crise du Covid n’est que le catalyseur d’une forte tendance actuelle : "la recherche d’équilibre et de réassurance, qui passe par l’olfaction". Le résultat d’une étude menée par Givaudan montre d’ailleurs que 89% des personnes sont convaincues que le parfum peut avoir un effet bénéfique sur leur bien-être. L’expert précise : « Les senteurs d’ambiance et les bougies inspirées par l’atmosphère des spa ont le vent en poupe, pour recréer une ambiance cocooning, qui invite à la méditation ».
Le but est de se laisser guider par les fragrances et les émotions qu’elles éveillent, pour se reconnecter à ses 5 sens. « Il y a aujourd’hui une vraie connaissance du pouvoir aromatique et olfactif, qui contribue au bien-être de la personne dans son entièreté. On ne s’interdit plus de se relaxer, ça devient un objectif en soi, une discipline que l’on cultive », résume Cécile Pascaraud, Responsable de la formation esthétique chez Clarins.
Vers une parfumerie holistique
D’après l’étude My Bloom menée par Givaudan, 45% des femmes en France se parfument aujourd’hui avant tout pour elles-mêmes, pour se reconnecter à leurs émotions, à leur intimité et à leurs valeurs. « Les clientes recherchent des senteurs apaisantes qui leur rappellent la nature, le vert, les plantes. On ressent vraiment ce besoin de déconnexion et de bien-être, particulièrement en milieu urbain », précise Cécile Pascaraud.
En réaction, les marques sont de plus en plus nombreuses à proposer des fragrances qui ont pour objectif de rééquilibrer les sens. Mizu Brand lance des parfums méditatifs, Petite Mila mise sur des sprays énergétiques pour se purifier, The New Cool infuse ses flacons de cristaux bienfaiteurs…
Cette rentrée olfactive promet donc d’être zen et centrée sur notre bien-être. Voilà de quoi se motiver à l’approche de la frénésie de septembre !
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