INTERVIEW JEAN CLAUDE BULLENS
JEAN-CLAUDE BULENS, MAITRE PARFUMEUR : L’EXIGENCE DE L’EXCELLENCE
Fondateur de la société Hypsipyle, maître parfumeur et créateur de fragrances pour bougies parfumées
Quel est votre métier : parfumeur ou cirier ?
Je suis plus parfumeur que cirier ou chimiste. Pourtant je ne crée pas de parfums, je ne fais que les adapter, je règle la composition des cires en fonction des parfums et des contenants. Par le passé, j’ai pu aider les parfumeurs dans leurs créations, car la bougie était un support encore considéré comme secondaire, peu connu et mal maîtrisé. Maintenant, ils sont tous très au point, et toutes les grandes maisons de parfumerie et les grands nez s’y intéressent. Développer un parfum pour une bougie prestigieuse qui sera vendue dans le monde entier, c’est très positif pour un parfumeur.
D’où vous vient cette passion pour le parfum et les bougies ?
La passion du parfum est depuis toujours dans mes gènes. J’y ai consacré mes études. Les bougies, c’est le hasard du développement de mon entreprise… Au début des années 80, Guy Laroche souhaitait développer une bougie pour le parfum Fidji, mais ne trouvait personne ayant cette compétence. Je me suis penché sur le sujet, et c’est ainsi que tout a démarré.
Comment créez-vous une bougie parfumée : avec combien de composants ? En combien d’étapes ?
Dès réception de l’extrait de parfum, nous le testons en l’incorporant à notre « base Hypsipyle », un mélange de cires et d’huiles qui nous est propre et qui sert pour tous nos essais. Ensuite, il faut au moins 4 brûlages, de 3 heures chacun, sachant que le 1er ne compte pas, pour observer l’évolution du parfum. Le parfum est-il respecté ? S’il est fragile, il ne faut pas que la bougie casse son équilibre. La stabilité et la diffusion sont-elles satisfaisantes ? Je teste toujours le dégagement olfactif dans le même lieu, où j’ai tous mes repères : chez moi. En revanche nous testons le brûlage dans notre laboratoire.
Pour certains produits du luxe, il faut un très grand nombre de manipulations pour un produit fini (plus de 50 pour un carré Hermès).
Combien de tâches manuelles sont-elles nécessaires chez Hypsipyle pour développer une bougie ?
Entre 12 et 15 manipulations.
Et combien de temps peut s’écouler entre la réception de l’extrait de parfum et la formule finale de la bougie ?
Très variable ! Quand tout se passe bien, il nous faut 15 jours. C’est souvent plus long. Parfois, on n’arrive à rien de satisfaisant, on est dans l’impasse et on demande au parfumeur de faire des modifications.
Avez-vous automatisé certaines étapes du processus de fabrication ?
Nous avons un peu développé notre capacité de production, mais nous pouvons difficilement remplacer la main de l’homme par des machines. Actuellement, nous étudions un petit robot qui pourrait peut-être couper les mèches… Mais chaque mèche est encore placée à la main, redressée à la main, coupée à la main. Le coulage aussi se fait à la main. Et le contrôle qualité est permanent : chaque personne qui travaille sur une étape de fabrication vérifie ce qui a été fait à l’étape précédente.
Quelle est la meilleure température pour conserver une bougie ?
La température ambiante à l’intérieur d’une maison ou d’un appartement, 20°C.
Quel est le meilleur endroit pour la faire brûler ?
A l’intérieur, sans courant d’air, et plutôt sur une table basse car l’air chaud dégagé lors de la combustion va monter dans la pièce.
Après avoir allumé une bougie, combien de temps faut-il pour bien sentir son parfum ?
Au 1er allumage, comptez 2 heures. Ensuite, au fur et à mesure que vous brûlez la bougie et que le niveau descend dans le contenant, sa qualité olfactive va augmenter. Ceci est lié à l’augmentation de la température dans le contenant. En réalité, les bougies parfumées sont beaucoup plus performantes en fin de vie.
Peut-on laisser une bougie brûler jusqu’au bout ?
Bien sûr. Il faut juste veiller à couper la mèche régulièrement, pour qu’elle ne soit pas trop haute. 4-5 mm, c’est ce que recommandent les marques, pour éviter une surchauffe trop importante et un dégagement de fumée.
Les bougies sont-elles polluantes, voire toxiques ?
Les bougies de qualité ne sont absolument pas polluantes ni toxiques, il n’y a pas l’ombre d’un doute. En ce qui me concerne, je fabrique des bougies depuis 25 ans, j’en ai respiré des dizaines de milliers et je me porte comme un charme ! Seuls certains bâtonnets d’encens, et encore, pas tous, apparemment ceux qui sont fabriqués avec de la poudre de bois collé, pourraient poser problème.
Dernière question, comment faites-vous pour… entretenir la flamme ?
Tant que j’ai le plaisir de faire de bons produits, je continue à travailler. Quand je réussis une très bonne bougie, même pour un tout petit client, alors là je suis content de moi. Mais c’est rare…